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Pascal FOUSSARD directeur general du Tours Volley-Ball (TVB) salle Grenon au Palais des Sports de Tours.

Portrait de Pascal Foussard

Une carrière en or

Arrivé au Tours Volley-Ball à 20 ans, Pascal Foussard en aura été le n° 6, l’architecte et le gardien. Le club est aujourd’hui le plus titré de France. Également manager de l’équipe de France, c’est avec elle qu’il écrira aux JO de Paris l’ultime acte d’une vie de passion et de fidélité à son sport et à sa ville.

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Aristote l’a théorisé, tout récit se construit en trois actes, comme le volley-ball en trois sets gagnants. C’est la règle de la trinité : un début, un milieu, une fin, triste ou heureuse. C’est à celui qui l’écrit d’en décider, encore que « le hasard et la chance font partie du jeu », souligne Pascal. Ce peut être pour le pire – une défaite au golden set contre Saint-Nazaire en finale du championnat le 28 avril dernier – mais, au regard de son palmarès sportif, ce fut surtout pour le meilleur.

Acte I : Les « forts en grec »

Pascal est né à Noyon (Oise) en 1961. La même année, rue Jeanne-d’Arc à Orléans, le collège Anatole-Bailly, du nom d’un helléniste savant, s’installe dans l’enceinte du lycée Pothier, celui des « forts en grec ». Y ont étudié Charles Péguy, Maurice Genevoix ou Jean Zay, lequel, ministre en 1936, instaure l’heure quotidienne de sport à l’école. Pascal se retrouve dans les murs de ce « vieux bahut » du centre-ville, voué à suivre le chemin tout tracé d’un père ingénieur, directeur du pôle dessin industriel de Saint-Gobain : « Dans la cour, il y avait un gymnase dont le gardien et éducateur George Bonnet adorait le volley-ball » ; Pascal y joue « entre midi et deux ». Plus d’une heure, donc. L’alpha et l’oméga d’une vie se dessinent : ce sera le volley.

Après Sport-études et l’UNSS, il débarque au TVB en 1980. Du club tourangeau, professionnel à partir de 1986, il devient le capitaine, acteur de la montée en Pro A en 1994 à l’issue d’un match conclu par l’Égyptien Meawad Sassa. Au Caire, celui-ci se souvient : « La spéciale attaque long de ligne du poste 1 ou 2… C’était contre Martigues. Grenon archicomble était en délire. Pascal, joueur techniquement excellent, était un super coéquipier et déjà un meneur d’hommes. » Rejoignant l’élite, Tours le choisit pour coach, puis manager en 1996.

Acte II : Voyage vers l’Olympe

Dès lors, Pascal oeuvre sans compter et de son aveu « use bien des présidents ». Dans « un état de vigilance permanent, à la limite de la paranoïa », chaque victoire le met un peu plus en appétit jusqu’à souffrir d’une
« boulimie de résultats et d’adrénaline », le ventre tordu par le stress, à chercher au bout de ses doigts ce qu’il reste à ronger.

Nommé à la tête des Bleus en 2012, Laurent Tillie le réclame, car tout dans la Maison France est alors à reconstruire ; il lui faut, non un dessinateur industriel, mais quelqu’un qui a dans le sang un savoir-faire singulier : tracer un plan solide et durable. Trois ans plus tard, les Bleus sont champions d’Europe et en 2021, aux JO de Tokyo, remportent l’or face aux Russes, ces derniers manquant de peu de rééditer leur exploit de 2012 à Rio face au Brésil. Après deux sets perdus, ils avaient tout renversé grâce au coaching d’un certain Vladimir Alekno. Ancien joueur du TVB (1996-1999), il y eut Pascal pour entraîneur.

S’excusant « pour [son] français, c’est un désastre », Vlad depuis chez lui à Kazan raconte : « Pascal m’a invité un soir à dîner, on a discuté et il m’a proposé d’entraîner l’équipe. Pour ça, je lui dirai toujours grosse, grosse merci ! Pascal, c’est dada. » « Dada » signifie en russe « papa », celui-ci attribuant la paternité de sa carrière de coach au Tourangeau. Entre 1999 et 2004, le TVB est avec lui comme la fusée à Baïkonour sur sa rampe de lancement et la Coupe de France 2003, premier titre du club, n’est que sa mise à feu avant d’aller tutoyer les étoiles.
Pour les JO de Paris, Vlad entraînera l’Iran ; et Pascal encadrera les Bleus, une dernière fois. Causeront- ils géopolitique ? « Non, non ! s’exclame Vlad, ça ne concerne pas le volley », si central pour ses deux ex-n° 6 et ce pour quoi il s’inquiète, le fatalisme russe pesant dans la voix : « La retraite, ce sera très dur pour Pascal… » Certes. Mais s’arrêter, non à 28, mais à 27 titres, serait aussi nombre parfait pour achever son épopée. 27, comme ce 27 mars 2005 en Grèce, au pied du mont Olympe.

Acte III : Les « forts en Grèce »

Ce jour-là, en finale de Ligue des Champions, le TVB triomphe des titans de l’Iraklis Salonique. Sur la place Aristote, c’est un coup de tonnerre ! Les dieux s’appellent Henno, Sloboda, Nikolov ou de Kergret. De ce trophée, comme des autres, Pascal est le forgeron, Héphaïstos si obsédé du détail qu’il serait allé chercher lui-même la meilleure encre bleue pour que s’écrive sur leurs maillots blancs « une histoire, dit-il, bien plus grande que moi ». Par-delà leurs adieux, David Konečny, n° 6 de légende par sa fidélité, fera ainsi chuter les Goliath italiens de Trente en 2017 : seconde coupe d’Europe victorieuse et point final au golden set signé Levi Cabral, ex-joueur de Saint-Nazaire au cœur tatoué d’un vers de poésie : « Rien n’est éternel, mais il faut vivre chaque moment comme s’il l’était. » C’est pour ces moments que Pascal a beaucoup sacrifié, mais, pour son épouse et ses enfants, ils auront semblé une éternité.

Après ce grand voyage de 43 ans à bord du TVB, bien plus long que celui d’Ulysse qui l’éloigna des siens, le voici de retour au foyer, souhaitant que le chaudron de « Grenon », bahut des Int’nables aussi vieux que lui, s’enflamme encore demain. Pour cela, une règle d’or, sa trinité à lui : « Un club entreprise fort, des collectivités fidèles et ce public extraordinaire », à l’image des trois tours du blason à l’épée, floqué sur la porte à lamelles par laquelle les joueurs entrent sur le terrain. Cette fois, Pascal y passera la tête et la main, non plus pour trancher, mais les saluer, en gardien du temple, conteur et philosophe.

Texte : Benoît Piraudeau

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